vendredi, mars 29, 2024
AccueilActualitésActualités: Droits humainsIran : les conséquences du refus du régime d’acheter des vaccins"

Iran : les conséquences du refus du régime d’acheter des vaccins »

Au début de ce mois, le Guide Suprême du régime iranien, Ali Khamenei, a annoncé que les vaccins contre le Coronavirus ne seraient pas autorisés à être importés des États-Unis ou de la Grande-Bretagne. Cette décision a immédiatement entraîné l’annulation du projet de philanthropes américains de faire don de 150 000 doses à la Croix-Rouge iranienne. Les implications à long terme de l’interdiction restent à déterminer, mais de l’aveu même des mollahs, cela repousse le début d’un programme de vaccination généralisé au moins jusqu’à l’été. Et même une fois que ce programme entrera en vigueur, rien ne permet de dire s’il sera efficace, puisque l’interdiction de Khamenei laisse le pays dépendre d’alternatives non-testées provenant de fabricants nationaux et d’autres marchés étrangers.

Afin de minimiser l’importance de ce revers délibéré, les autorités iraniennes ont eu recours à un schéma de mensonges bien connu concernant la gravité de la crise de santé publique. L’épidémie de Coronavirus en Iran est largement reconnue comme la pire du Moyen-Orient, mais en réalité, elle est encore pire que ce que la plupart des observateurs étrangers réalisent. Le ministère iranien de la Santé estime le nombre total de décès à environ 57 000, et c’est le chiffre le plus souvent cité dans les médias internationaux. Mais des sources indépendantes comme l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI) ont évalué les registres des hôpitaux et des morgues, ainsi que les déclarations des témoins oculaires, pour déterminer que le véritable nombre de morts a largement dépassé les 203 000.

Dans ses rapports les plus récents, l’OMPI a identifié 500 cas d’infection à la Covid-19 s’avérant fatales en un seul jour, alors que les registres officiels du gouvernement en reconnaissent moins de 100. Cet écart indique qu’en plus d’être environ quatre fois plus mortelle que ce que le récit officiel laisse entendre, l’épidémie du Coronavirus en Iran s’aggrave également à un rythme bien plus rapide que ce que les mollahs sont prêts à reconnaître. Dans la mesure où les autorités reconnaissent une quelconque détérioration de la situation, elles tiennent à blâmer la population, louant la réponse du gouvernement.

En réalité, cependant, cette réponse a été presque inexistante. Bien que des entités puissantes comme le bureau du Guide Suprême et le Corps des gardiens de la révolution islamique (pasdaran) contrôlent des centaines de milliards de dollars d’actifs financiers, presque aucun d’entre eux n’a été mis à disposition pour la lutte contre le Coronavirus. Et comme le peuple iranien souffrait déjà d’une grande pauvreté avant même que la pandémie n’atteigne le territoire iranien, la plupart ont rapidement été contraints d’accepter le risque d’infection pour gagner leur vie ou adopter des stratégies collectives de survie.

Les responsables du gouvernement iranien n’ont apparemment aucun scrupule à dénoncer ces tactiques de survie comme étant des cas où les citoyens enfreignent les règles. Le président du régime, Hassan Rohani, aurait récemment déclaré : « Partout où les gens ont respecté les règles, nous avons pu contrôler la situation ». Dans d’autres endroits, a-t-il ajouté, les gens ont « gravement souffert » à cause de la désobéissance. De tels propos servent un double objectif dans la propagande de l’Etat iranien : il permet au régime de s’absoudre de toute responsabilité pour les souffrances en question, et il renforce l’idée que le contrôle social prime sur tout le reste.

En ce sens, il est sans doute à l’avantage du régime que l’ordre de Khamenei prolonge l’aile iranienne de la pandémie ou crée une nouvelle vague d’infections. La maladie et la mort en masse offrent aux autorités une occasion inédite d’insister sur le strict respect des protocoles sociaux, même ceux qui sont antérieurs à la pandémie et qui n’ont aucun rapport avec elle. Et l’élargissement éventuel du contrôle sur la population intervient à un moment crucial pour les autorités gouvernementales. Environ un mois seulement avant la première reconnaissance publique de la propagation de la maladie en Iran, le pays a été secoué par des manifestations de masse dans plusieurs provinces. Il s’agissait sans doute du troisième soulèvement de masse en deux ans, l’un ayant embrasé plus de 100 villes et villages en janvier 2018 et un autre ayant eu lieu en novembre 2019 dans près de 200 localités.

Le premier de ces soulèvements a suscité une reconnaissance inhabituelle de la vulnérabilité du Guide Suprême, qui a prononcé un discours au plus fort des troubles dans lequel il a attribué l’organisation rapide et les slogans anti-gouvernementaux aux Unités de résistance dirigées par l’OMPI. Depuis lors, Khamenei et d’autres hauts responsables ont mis en garde contre le risque de voir se reproduire les mêmes activités. Et bien que la pandémie du Coronavirus ait interrompu les possibilités de manifestations publiques de masse, elle a également donné au peuple iranien encore plus de raisons de s’indigner sur le long terme contre les autorités répressives.

Cette indignation ne manquera pas de rejaillir dans les rues dès que la crise de santé publique se sera calmée, à moins que Téhéran ne renforce efficacement la réponse d’institutions comme les pasdaran. Heureusement, Khamenei a sapé la stratégie de son propre régime pour y parvenir lorsqu’il a annoncé l’interdiction des vaccins importés. Si cette mesure peut contribuer à maintenir la population sous pression pendant un certain temps encore, elle rendra aussi très probablement la communauté internationale moins sensible aux appels à la levée des sanctions, qui, si elles avaient été accordées, auraient donné au régime la possibilité de consacrer davantage de ressources à la répression de la dissidence.

Depuis le début de la pandémie jusqu’à la date de l’annonce de Khamenei, Téhéran a tenté de faire valoir que les sanctions imposées par les États-Unis constituaient un obstacle majeur à la résolution de la crise de santé publique. Ces sanctions, a insisté le régime, rendraient difficile pour l’Iran l’achat de vaccins auprès de fabricants étrangers. Mais dès que ces vaccins sont devenus effectivement disponibles et que ce mensonge a été sur le point d’être dévoilé, le Guide Suprême a changé de tactique en promouvant une série de théories de conspiration barbare dans l’espoir de détourner l’attention de la non-pertinence des sanctions pour les questions concernant les médicaments et autres biens humanitaires.

Compte tenu de la disponibilité croissante des médias indépendants et étrangers, même face aux contrôles stricts de l’Iran sur les médias et Internet, il y a une limite à la manière dont cette diversion peut fonctionner en Iran. Mais en tout état de cause, elle ne devrait pas fonctionner du tout sur la communauté internationale. Les puissances occidentales n’auraient aucune excuse pour ignorer la contradiction entre les appels précédents de Téhéran à une levée de sanctions et la nouvelle insistance de Khamenei sur l’auto-sanction en ce qui concerne les vaccins contre le Coronavirus.

En réalité, son interdiction de ces vaccins devrait rapidement entraîner une augmentation plutôt qu’une réduction de la pression étrangère. La communauté internationale devrait reconnaître la fausseté des appels précédents ainsi que l’abdication complète du régime de sa responsabilité pour la santé et le bien-être de sa population. Et les États-Unis ainsi que leurs alliés devraient répondre à cette prise de conscience en sanctionnant plus lourdement les dirigeants du régime et en isolant leurs émissaires sur le plan diplomatique. Ce n’est que par ces moyens que la communauté internationale peut espérer contraindre Téhéran à accorder à sa population l’accès à des ressources qui pourraient sauver leur vie et réduire leurs souffrances beaucoup plus rapidement.

Bien entendu, Téhéran ne succombera peut-être pas à cette pression avant que le régime ne mette en œuvre ses plans d’utilisation de vaccins de substitution non éprouvés et potentiellement inefficaces. Mais tant que les puissances occidentales diffuseront clairement les intentions de leur nouvelle pression, le peuple iranien sortira au moins de la crise actuelle avec la conviction que la communauté internationale n’est pas restée en retrait ou du côté de Téhéran qui a délibérément mal géré la pandémie et massacré la population. Et lorsque les effets de cette mauvaise gestion alimenteront inévitablement un nouveau soulèvement, au moins les Iraniens reconnaîtront qu’ils ont des partisans à l’étranger qui se soucient plus de leur bien-être que de leurs intérêts économiques en s’engageant au côté d’un régime criminel.