vendredi, mars 29, 2024
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La pénible détention du Français emprisonné en Iran

La pénible détention du Français Stéphane Lherbier emprisonné à Téhéran Lefigaro.fr – Après neuf mois de détention, Stéphane Lherbier se confie au «Figaro» au premier jour de la permission exceptionnelle de cinq jours qui lui a été accordée, à la moitié de sa peine.
 
Comme un mirage en plein milieu d'un cauchemar. Les traits tirés, le visage amaigri – il a perdu 18 kilos –, le skipper français Stéphane Lherbier, 33 ans, emprisonné en Iran depuis près de neuf mois, savoure enfin son premier congé en dehors des barreaux de la grande prison d'Evine, en compagnie de sa femme et de sa fille, qui l'ont rejoint in extremis à Téhéran.

 

«On avait fait la demande depuis longtemps. On n'y croyait plus», confie-t-il au Figaro, le premier des cinq jours de sa courte permission soumise à deux conditions : ne pas mettre les pieds à l'ambassade de France et être de retour dans sa cellule dès dimanche matin, 9 heures.
 
Libre de ses déplacements, logé en centre-ville dans un hôtel de son choix, il a presque retrouvé le goût d'une vie normale en famille. Presque, car entre deux instants de détente, il y a toujours cette question qui revient au galop : «Pourquoi une peine si sévère ?» Quand, le 29 novembre dernier au petit matin, il embarque, depuis la plage d'Oum al-Quwain, aux Émirats arabes unis, pour une partie de pêche en compagnie de Donald Klein, un touriste allemand, il est à mille lieues d'imaginer qu'ils échoueraient, pour dix-huit mois, dans les geôles iraniennes. Interpellés au large de l'île d'Abou Moussa, les deux hommes sont immédiatement accusés d'avoir pénétré illégalement dans les eaux territoriales iraniennes.
 
Cette parcelle de terre, qu'ils croyaient appartenir aux Émirats, est en fait revendiquée par Téhéran et fait l'objet d'un contentieux régional. «Je reconnais que j'ai fait une erreur», souffle Stéphane Lherbier, en serrant sa petite Lola, 2 ans, dans ses bras. «Mais ni moi ni ma famille n'avons mérité d'être punis si sévèrement», dit-il. «Nous sommes victimes d'une injustice», ajoute Véronique, son épouse.
 
La lourde peine infligée aux deux Européens a pris tout le monde de court. D'autant plus qu'avant eux, deux Anglais égarés dans la même zone s'en sortirent avec seulement dix jours en garde à vue. Après eux, deux Émiratis accompagnés de leurs deux skippers indiens, et interceptés par des gardes-côtes iraniens, furent également relâchés au bout d'une vingtaine de jours. En pleine crise nucléaire, les autorités iraniennes chercheraient-elles à embarrasser la France et l'Allemagne ? «Je n'ai pas de réponse. On ne nous dit rien. Je suis sûr qu'il y a forcément quelque chose derrière tout ça. Mais on ne saura jamais quoi», dit Stéphane, dépassé.
 
Incertitude permanente
 
D'abord incarcérés à Bandar Abbas, dans une résidence surveillée, les deux hommes ont été transférés, en mars, dans la section 6 du département 7 d'Evine, le redoutable centre de détention de Téhéran où un jeune étudiant a trouvé la mort, en début de semaine. Ils partagent leur cellule avec 14 détenus iraniens, emprisonnés pour raisons financières. Ils dorment sur des lits superposés sur trois niveaux. Une petite fenêtre recouverte de persiennes en ferraille laisse peu de place à la lumière naturelle. Les repas se limitent à des gamelles de ragoût accompagné de riz sec. «J'essaye de tenir le coup», confie Stéphane Lherbier. Ce sont, dit-il, les douze minutes de communication téléphonique et les quelques visites qui ont été autorisées à sa femme qui lui ont permis, jusqu'ici, de ne pas flancher. «Mais il y a des hauts et des bas», reconnaît-il.
 
Le plus dur, dit-il, «c'est cette incertitude permanente qui nous entoure». Après l'espoir déçu, fin mars, d'une grâce accordée par le guide religieux, Véronique, 31 ans, n'a cessé de batailler pour activer un maximum de réseaux. Jusqu'à décrocher, du chef de la Justice en personne, l'ayatollah Mahmoud Shahroudi, l'ouverture d'une «enquête urgente». Mais après trois mois d'attente, nouvelle claque, avec l'annonce fracassante, début juillet, par le ministre de la Justice d'une réouverture du dossier soulevant de nouvelles questions sur le matériel GPS du skipper français. «Des déclarations comme celles-ci, ça fait peur, car on se dit que rien n'est acquis, qu'on a été condamné à dix-huit mois, mais qu'au final, ils peuvent toujours changer d'avis», dit Stéphane.
 
Quant à son compagnon d'infortune, Donald Klein, 52 ans, il accuse encore plus difficilement le coup. «Il broie du noir. Il fume beaucoup de cigarettes et tousse en permanence. Il est devenu squelettique. Il n'arrête pas de dire qu'il veut se suicider. C'est très inquiétant», ajoute-t-il. Pour des raisons inconnues, la visite médicale du médecin iranien de l'ambassade d'Allemagne lui a été refusée. Il lui a été promis, en revanche, de bénéficier lui aussi d'une permission, une fois que Stéphane sera de retour, dimanche, à Evine.
 
Dans son désespoir, le skipper français continue à s'accrocher à trois dates importantes du mois d'août. D'abord, le 8 – célébration de la naissance de l'imam Ali – et le 22 – date de l'avènement du prophète Mohammad –, au cours desquelles le guide religieux octroie traditionnellement de nouvelles grâces. Et puis, il y a le 29 août, qui correspond à la moitié de sa peine, c'est-à-dire, selon la loi iranienne, à la possibilité d'obtenir une liberté conditionnelle. «Le plus dur, pour l'instant, c'est de retourner en prison sans savoir quand j'en sortirai», dit-il.