jeudi, mars 28, 2024
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Behzad Naziri raconte son expérience des atrocités du régime iranien

La deuxième et troisième séquence du programme « Ère infernale » de la chaîne Al Arabiya TV, a été consacré à un entretien avec M. Behzad Naziri, membre de la Commission des Affaires Etrangères du CNRI. Il parle du martyre de sa sœur Guity et son évasion de la prison du régime et de l’arrestation de son père.

Al Arabiya: Behzad a gardé quelques photos de lui et de sa sœur Guity qui a été exécutée 40 jours avant l’arrestation de Behzad, à l’âge de 24 ans. Malgré les 30 ans passés, et son évasion de l’Iran, les difficultés de la prison et la tristesse dans ses yeux en regardant sa sœur, sont toujours avec lui. L’histoire de la révolution en Iran, avant toute autre chose, c’est l’histoire de Behzad et Guity.

Behzad Naziri: Khomeini a commencé à retirer les libertés qui ont été acquises à la Révolution. Par exemple, les femmes étaient très actives dans la révolution iranienne. Nous deux étions des sympathisants de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI) à l’époque.

Lorsque la guerre Iran-Irak a commencé, ma sœur a été envoyée en tant que reporter de scènes et même sur le front de guerre. Elle a préparé des clips vidéo et même organisé des expositions photos à Téhéran, sur la condition des civils qui ont été touchés par la guerre. Elle était culturellement très active et adorait la musique. Elle était poète. En février 1982, elle a été enfermée dans la célèbre Prison d’Evin. J’étais encore un journaliste à l’époque et quand ma sœur était en prison, j’ai accompagné les journalistes français dans diverses activités. Cinq mois après l’arrestation de ma sœur, j’ai moi aussi été arrêté. J’ai été arrêté le 25 juin 1982. Ma sœur a été exécutée en Mai 1982.

Quarante jours après l’exécution de ma sœur, alors que ma mère était dans une crise psychologique en raison de l’exécution de sa fille qui n’avait que 24 ans, un mandat d’arrêt a été émis à mon égard et j’ai été arrêté par les Gardiens de la révolution (Pasdaran) et par la suite transféré à la prison d’Evin. À peine cinq mois plus tôt, j’avais été dans cette prison, mais en tant que journaliste avec l’équipe d’une chaîne de la télévision française. Je savais à ce moment-là que ma sœur, avec des milliers d’autres prisonniers étaient derrière les barreaux et nous ne pouvions pas les voir.

J’ai été témoin de l’une des tortures que j’avais lues dans les livres d’Histoire. Il y avait un prisonnier du nom de Shams-ed-din Moqaddassi. Je ne pouvais pas le voir comme j’avais les yeux bandés ; j’ai juste demandé son nom. Il a dit qu’il avait été forcé de boire beaucoup d’eau de telle sorte que son ventre avait gonflé. Ensuite, les Gardiens de la révolution avait marché sur son ventre avec leurs bottes, de sorte que l’eau ressortait alors qu’il était proche de l’étouffement.

Je me suis évadé de la prison de Khomeini après trois ans. On devait me déplacer pour un traitement médical temporairement hors de la prison et je me suis évadé à cette occasion. Le régime iranien a arrêté mon père comme otage. J’ai rapidement quitté l’Iran avec l’aide du réseau de la Résistance et de l’OMPI. Je suis allé à Karachi au Pakistan via la frontière du Sistan et du Baloutchistan.

Al Arabiya: Behzad Naziri a été arrêté à Téhéran en 1982 alors qu’il travaillait pour l’Agence France Presse. Il essaie de son mieux de raconter l’histoire des autres et non la sienne. Il estime que ce sont eux qui peuvent raconter l’histoire, et cela ouvre à nouveau ses blessures d’âme à chaque instant.

Behzad. Naziri: C’est en début 1982 que le régime a décidé de mettre en vitrine quelques prisonniers pour les journalistes. À l’époque, en France, il y avait beaucoup d’informations diffusées sur les atrocités, les massacres, les exécutions et les tortures dans les prisons iraniennes. Le Conseil National de la Résistance a été créé à Paris et M. Massoud Rajavi était en France à cette époque. L’OMPI a été très active dans la divulgation des crimes de Khomeini.

Le régime voulait réaliser un spectacle pour les journalistes et dépeindre comme si rien ne se passait à l’intérieur de la prison d’Evin ; que tout était normal. Alors avec un groupe de journalistes de la première chaîne de la Télévision française (TF1) et de l’Agence France Presse (AFP), nous sommes allés à la prison d’Evine en février 1982. Ils nous ont montré des salles dans la prison d’Evin, où nous avons mené des interviews.

Quelqu’un du nom de Lajevardi, qui plus tard est devenu très connu comme le « Boucher d’Evine » et l’un des éléments les plus brutaux et sanguinaires de Khomeini, jouait le rôle de Procureur à ce moment-là. Nous l’avons interviewé et il a déclaré : « ici, tout est normal. Les prisonniers viennent ici pour une période et reçoivent une formation. » Il nous a montré un groupe de jeunes gens qui selon lui étaient des prisonniers.

Behzad Naziri: Sur la page 953 de ce livre (le livre des 20 000 martyrs iraniens), figure une photo de ma sœur sur le front de la guerre Iran-Irak. Elle a été reporter et a été envoyée là-bas avec un groupe de personnes de la télévision nationale iranienne, pour faire des reportages. Voici une autre photo d’elle, Guity Naziri à 24 ans. Comme vous la voyez, c’est juste une photo parmi tant d’autres. Ici il y a des photos de tous les employés de divers ministères et organismes gouvernementaux ou des ONG. Dans ce livre, je peux voir l’image de beaucoup de ceux qui étaient mes amis et j’étais avec eux en prison. Chacun est dans sa propre page avec ceux qui appartiennent à la même catégorie sociale.

Il s’agit bien sûr de quelques 20 000 des 120 000 qui ont été exécutés par ce régime au cours de ces années. Vous voyez sur cette photo mon ami Mahmoud Bani-Naj’jarian (avocat). Beaucoup d’entre eux ont été enterrés dans des tombes inconnues.

C’est la fatwa de Khomeini qui dit que l’OMPI, tous ses membres et sympathisants, sont des Mohareb (ennemi de Dieu) et condamné à mort. En vertu de cette fatwa, 30 000 ont été exécutés.

Des 120 000 qui ont été exécutés dans ces années-là, les noms et les détails de 20 000 d’entre eux ont été recueillis par le réseau social de l’OMPI à l’intérieur du pays. Ils sont de différentes couches de la société. Je vous ai montré, y compris une photo de ma sœur, aussi bien que celles de beaucoup mes compagnons de cellule. L’un d’entre eux était un avocat, un autre un étudiant, un autre un ancien cadre militaire, l’un était un champion de compétition d’athlétisme, un autre était un simple ouvrier, l’un était un commerçant du bazar. Ils étaient tous mes compagnons de cellule.

Je me souviens encore de tous leurs noms. Voici un aperçu des crimes de ces années et je porte encore leurs cicatrices sur mon corps et dans mon cœur. Ça reste toujours fraîches en moi. Mes cicatrices ne seront guéries que lorsque les auteurs de ces crimes seront traduits en justice.

Beaucoup de mes compagnons de cellule ne sont jamais sortis de prison et ont été exécutés lors du massacre de 1988 quand Khomeini a abattu 30 000 membres de l’OMPI. Nombreux étaient mes amis, bon nombre de mes amis…