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Les USA utilisent une enquête pour faire pression sur l’Iran

La Maison Blanche considère l’attentat de 1994 en Argentine comme  un plan terroriste

Par Jay Solomon et Evan Perez

The Wall Street Journal, Washington – Alors que la tension entre les Etats-Unis et l’Iran persiste, Washington et ses alliés utilisent une enquête sur un attentat terroriste en 1994 en Argentine pour maintenir la pression sur le régime iranien.

En coulisse, les autorités de l’administration Bush encouragent l’enquête, qui se concentre sur l’attentat à la bombe d’un centre culturel de la communauté juive à Buenos Aires. Un objectif des Américains est de causer des problèmes judiciaires à certains dirigeants politiques de l’Iran. Les autorités de l’administration espèrent aussi utiliser cette question pour mettre en évidence le rôle présumé de l’Iran dans le financement et le soutien au terrorisme dans le monde.

Le cas argentin surgit alors que la Maison Blanche essaye de redéfinir sa politique iranienne. Le conflit entre les deux nations s’est ravivé après une altercation navale récente dans le détroit d’Hormuz. En même temps, les alliés des Etats-Unis ont parlé de confusion de la position américaine à la lumière d’un renseignement américain minimisant la menace posée selon le programme nucléaire de Téhéran. Dans ses commentaires publics, le Président Bush a continué à définir l’Iran comme une menace.

De hautes autorités de l’administration Bush croient que l’attentat de Buenos Aires sert de modèle sur la manière dont Téhéran utilise ses ambassades à l’étranger et ses relations avec des groupes militants étrangers, en particulier le Hezbollah, pour frapper ses ennemis.

L’an passé, l’administration Bush a accusé le bras international du Corps des gardiens de la révolution iraniens, la Force Qods, de fournir  des armes et d’entraîner des milices chi’ites à se battre contre les forces américaines en Irak. L’Iran a démenti l’accusation. Washington croit aussi que Téhéran a augmenté le financement du Hezbollah et du mouvement palestinien islamiste Hamas pour tenter de saper des gouvernements pro-occidentaux du Liban et des Territoires palestiniens.

En novembre, Interpol, l’instance de police mondiale, a lancé des mandats de recherches, connus sous le nom de "notices rouges", pour un responsable actuel et quatre anciennes autorités de l’Iran pour leur participation présumée à l’attentat de 1994. Interpol s’est impliqué après une demande d’aide du gouvernement argentin. L’attentat à la bombe avait tué 85 personnes et constitue une des plus grandes attaques terroristes jamais organisées en Amérique latine.

L’Iran a vigoureusement tenté de bloquer les notices rouges, selon les autorités d’Interpol, avançant que l’affaire avait été politisée. Les diplomates américains, israéliens et argentins ont réussi à obtenir des membres d’Interpol de voter pour le lancement des inculpations.

Le cas argentin est "une définition très claire de que signifie le parrainage par l’Etat iranien de moyens terroristes", a dit un haut responsable de la Maison Blanche qui suit l’affaire. "L’Iran ne soutient pas juste moralement le terrorisme, mais utilise des agents terroristes comme un instrument de sa politique d’Etat." Le lancement réussi des notices rouges "pourrait mettre les Iraniens dans une situation très difficile", a dit le responsable. Par exemple, les actes d’accusation rendront difficile aux autorités de voyager à l’étranger.

Parmi ceux qui sont recherchés par Interpol, se trouvent : Ali Fallahian, l’ancien chef du renseignement de l’Iran, Mohsen Reza’i, ancien commandant du Corps des gardiens de la révolution iraniens et Ahmad Vahidi, un général des Gardiens de la révolution qui est actuellement  vice-ministre iranien de la Défense. Interpol a aussi émis une notice rouge pour Imad Mugniyah, un Libanais suspecté d’avoir commandé l’aile terroriste secrète du Hezbollah, la milice et le parti politique libanais lié à l’Iran.

Un tribunal américain a inculpé M. Mugniyah pour son rôle présumé dans le détournement en 1985 d’un avion de ligne de la TWA. Les responsables américains ont aussi accusé M. Mugniyah d’avoir été le cerveau de l’attentat au camion piégé de 1983 contre les garnisons des Marines américains à Beyrouth, au Liban.

Des enquêteurs argentins ont aussi cherché à arrêter Akbar Hachemi Rafsandjani, l’ancien président iranien et deux autres anciens responsables iraniens. Interpol a démenti ces demandes.

Des diplomates iraniens disent que les Etats-Unis et l’Israël déforme l’affaire dans le cadre d’une campagne plus large pour arrêter le programme nucléaire de Téhéran. "C’est un acte de propagande," a dit Mohammad Mohammadi, un diplomate iranien à sa mission des Nations unies. "Les fonctionnaires américains encouragent l’Argentine à poursuivre cette affaire."

José Octavio Bordón, l’ambassadeur d’Argentine à Washington jusqu’au mois dernier, a répliqué que les Iraniens "essayent d’y mettre un certain aspect politique, mais c’est un combat contre l’impunité." Une cour argentine a formellement inculpé les responsables iraniens en novembre 2006.

Dans un rapport recherchant l’arrestation des Iraniens, des enquêteurs argentins ont dit que l’attentat avait été conçu et ordonné au "plus haut niveau du régime de Téhéran dans le cadre de sa politique étrangère générale, qui ne rejette pas l’utilisation de terrorisme comme un moyen de réaliser ses objectifs."

Les fonctionnaires iraniens sont accusés d’avoir utilisé l’ambassade de Buenos Aires de Téhéran, son bureau culturel et leurs contacts dans la communauté musulmane locale pour comploter et exécuter l’attentat contre le centre culturel, connu sous le nom de l’Association Mutuelle israélo-argentine, ou AMIA.

Le gouvernement iranien avait envoyé des informations et "du matériel" liés à l’attentat par des valises diplomatiques, selon des documents de justice. Dans leur rapport, les enquêteurs argentins ont dit que quatre mois avant l’attentat, Mohsen Rabbani, l’attaché culturel iranien à Buenos Aires, avait reçu plus de 150.000 $ pour financer l’attaque. Le rapport a dit que 94.000 $ avaient été retirés avant l’attentat.

Les enquêteurs ont aussi documenté une série d’appels depuis des cabines publiques et des téléphones cellulaires à Buenos Aires vers une zone frontalière brésilienne longtemps considérée comme un centre organisé pour collecter des fonds pour le Hezbollah. Les appels suivants sont partis du Brésil vers le siège du Hezbollah à Beyrouth, dont les enquêteurs pensent qu’il a donné l’accord final pour l’attentat.

Le rapport argentin affirme que l’attaque aurait pu se placer dans le cadre de représailles contre l’assassinat par Israël d’un haut cadre du Hezbollah et contre des attaques sur des camps du Hezbollah au Liban.

Les tentatives de poursuivre les auteurs sont restées bloquées en Argentine pendant plus d’une décennie jusqu’à ce que l’ancien président Nestor Kirchner instaure une commission spéciale. Le gouvernement argentin nouvellement élu de Cristina Kirchner, épouse de l’ancien président, a aussi promis de traduire les auteurs en justice.

Jusqu’à présent, l’Iran a refusé de livrer les cinq inculpés aux autorités argentines. Ces dernières semaines, le gouvernement iranien a menacé de faire son propre procès contre Buenos Aires pour avoir prétendument terni l’image internationale de Téhéran.

Les autorités américaines et d’Interpol reconnaissent que la communauté internationale n’a aucun mécanisme légal pour forcer Téhéran respecter la décision l’Interpol. "L’Iran n’est contraint en aucune façon de respecter" les notices rouges, a dit un responsable d’Interpol. "Si les sujets ne quittent jamais le pays, ils ne sont pas en danger."